Mode d’emploi de la régularisation des permis de construire en cours d’instance
Le Conseil d’État a précisé l’office du juge d’appel sur l’appréciation des permis de régularisation délivrés en réponse à une annulation partielle, en application de l’article L.600-5-2 du code de l’urbanisme, lequel est applicable immédiatement aux instances en cours.
Par une décision du 15 février 2019 (CE Section 15 février 2019 Commune de Cogolin, req. n° 401384) le Conseil d’État a détaillé l’office du juge administratif concernant la régularisation d’une autorisation d’urbanisme.
A titre liminaire, le Conseil d’État est venu préciser :
1) que l’article L 600-5-2 du code de l’urbanisme issu de la loi Elan est applicable aux instances en cours à la date de son entrée en vigueur, soit le 1er janvier 2019 ;
2) que le juge d’appel est compétent pour statuer sur une décision modificative ou une mesure de régulation (si celle-ci est communiquée en cours de l’instance).
Surtout, la Haute Juridiction a fait œuvre de pédagogie en détaillant de façon très précise le mode d’emploi des nouveaux articles L. 600-5, L. 600-5-1 et L. 600-5-2 du code de l’urbanisme issus de la loi Elan.
Tout d’abord, lorsque le tribunal administratif, saisi d’une autorisation d’urbanisme, retient l’existence d’un ou plusieurs vices entachant la légalité du permis mais régularisables par un permis modificatif, le juge sur le fondement de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme prononce une annulation partielle du permis attaqué et fixe le délai dans lequel le titulaire du permis en cause pourra en demander la régularisation.
La Haute Juridiction commence par rappeler que le requérant de 1ère instance est recevable à faire appel du jugement en tant que le juge a rejeté sa demande d’annulation totale du permis, tandis que le titulaire du permis et l’auteur de la décision sont recevables à contester le jugement en tant qu’il n’a pas complétement rejeté la demande du requérant.
Ensuite, et surtout, le Conseil d’Etat précise que si durant l’instance d’appel, un permis de construire modificatif de régularisation a été délivré pour répondre au jugement, il résulte des dispositions de l’article L. 600-5-2 que le bénéficiaire ou l’auteur de cette mesure de régularisation doit la communiquer au juge d’appel sans délai, seul le juge d’appel étant alors compétent pour en juger.
Par suite, dans le cas où un recours a été formé contre cette mesure de régularisation devant le tribunal administratif, celui-ci la transmettra à la cour administrative d’appel saisie de l’appel contre le permis initial.
Il appartient alors au juge d’appel de se prononcer sur la légalité du permis initial tel qu’attaqué devant le tribunal administratif.
Trois hypothèses sont envisagées :
S’il estime qu’aucun des moyens dirigés contre le permis n’est fondé, le juge d’appel doit alors :
- annuler le jugement ;
- rejeter la demande d’annulation ;
- et s’il est également saisi de conclusions en ce sens de statuer sur la légalité de la mesure de régularisation.
Si le juge d’appel estime fondés un ou plusieurs moyens dirigés contre le permis initial mais que les vices affectant ce permis ne sont pas régularisables, le juge d’appel doit :
- annuler le jugement en tant qu’il ne prononce qu’une annulation partielle du permis ;
- annuler le permis dans son ensemble et ce bien qu’une mesure de régularisation est intervenue postérieurement au jugement de 1ère instance, celle-ci ;
- annuler cette mesure de régularisation, c’est-à-dire le permis modificatif puisque celui-ci ne peut, eu égard aux vices qui affectent le permis initial, avoir pour effet de le régulariser.
Si le juge d’appel estime que le permis initialement attaquée est affecté d’un ou plusieurs vices régularisables, celui-ci statue alors sur la légalité de ce permis en prenant en compte les mesures prises en vue de régulariser ces vices et en se prononçant sur leur légalité si elle est contestée.
- S’il estime que le permis modifié est régularisé, le juge rejette alors les conclusions dirigées contre la mesure de régularisation ;
- S’il constate que le permis modifié est toujours affecté d’un vice, il peut de nouveau faire application des dispositions de l’article L. 600-5 ou de l’article 600-5-1 du code de l’urbanisme pour permettre sa régularisation.
Enfin, dans le cas où un pourvoi est dirigé contre la décision de la cour administrative d’appel qui retient plusieurs motifs d’illégalité et qui refuse de faire usage des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, le juge de cassation, dans le cas où il censure une partie de ces motifs, ne peut rejeter le pourvoi qu’après avoir vérifié si les autres motifs retenus, et qui demeurent, justifient ce refus.
Au-delà de l’aspect purement procédural de cet arrêt, l’impact pratique devrait être réel et concret, ce dispositif devant permettre de mettre fin aux recours successifs à l’occasion des régularisations de permis de construire.
On ajoutera que, dans le nouvel article L. 600-5-2 issu de la loi Élan, le législateur fait référence tout à la fois aux permis modificatifs et aux mesures de régularisation. Cette dernière expression fait référence aux autorisations délivrées après décision du juge, tandis que la première vise toute décision modificative, y compris celles demandées spontanément par les bénéficiaires.
Par suite, il apparaît que la contestation d’un permis de construire modificatif délivré en cours d’instance à la demande des bénéficiaires, avant toute décision du juge administratif, bénéficiera également des dispositions de cet article, c’est-à-dire qu’il ne pourra faire l’objet d’une contestation que dans le cadre de l’instance dirigée contre l’autorisation initiale, sous réserve d’être communiqué aux parties à l’instance.