Nouvelles précisions sur la fraude en matière de permis de construire
Le propriétaire d’un terrain soumis au régime général de la copropriété qui dépose une demande d’autorisation d’urbanisme sans l’accord préalable de l’assemblée générale des copropriétaires ne commet aucune manœuvre frauduleuse de nature à tromper l’administration, de sorte que cette dernière ne peut refuser de délivrer l’autorisation d’urbanisme sollicitée sur ce fondement.
Par cet arrêt mentionné aux Tables du Recueil Lebon (CE, 3 avril 2020, req. n° 422802) le Conseil d’Etat a eu l’occasion d’affiner sa jurisprudence relative au contrôle de la qualité du demandeur d’une autorisation d’urbanisme par l’administration.
Rappelons, à titre liminaire, qu’en vertu de l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme, peuvent solliciter une autorisation d’urbanisme le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux.
Pour ce faire, le demandeur de l’autorisation d’urbanisme atteste sur l’honneur, sur le formulaire Cerfa, avoir qualité pour déposer une telle demande.
Et, il est de jurisprudence constante que l’administration n’a pas à vérifier la qualité du demandeur de l’autorisation : la seule attestation sur l’honneur comprise au sein du formulaire Cerfa suffit (CE, 15 février 2012, req. n° 333631).
S’agissant précisément de la demande d’autorisation d’urbanisme par le propriétaire d’un terrain soumis au régime de la copropriété, le Conseil d’Etat a d’ores et déjà eu l’occasion de considérer que l’administration est fondée à estimer que le demandeur a la qualité pour déposer une telle demande en se fondant sur la seule attestation sur l’honneur comprise au sein du formulaire Cerfa (CE, 15 février 2012, req. n° 333631).
En revanche, le Conseil d’Etat a posé une exception au principe de l’absence de contrôle par l’administration de la qualité du demandeur : celle de la commission de manœuvres frauduleuses commises par ce dernier (CE, 17 octobre 2014, req. n° 360968).
En d’autres, termes, si l’administration a connaissance de manœuvres exercées par le pétitionnaire ayant eu pour but de la tromper sciemment sur la réalité de ses droits à construire, elle pourra refuser la délivrance de l’autorisation sollicitée.
L’ensemble de ces considérations sont rappelées par le présent arrêt, mais son apport principal réside dans le fait que le Conseil d’Etat considère que l’existence d’un litige concernant la sincérité de l’attestation sur l’honneur du demandeur ne caractérise pas l’existence d’une fraude et ne saurait donc justifier un refus de permis de construire par l’administration.
Précisément, le Conseil d’Etat a considéré que le fait que les copropriétaires du terrain objet de la demande de permis de construire aient averti l’administration de l’absence d’autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires au dépôt d’une demande de permis de construire par l’un de ses propriétaires ne caractérise pas l’existence d’une fraude et donc ne justifie pas la délivrance d’un refus de permis de construire par l’administration.
Il conviendra de signaler que cette décision s’inscrit en continuité de la décision rendue par le Conseil d’Etat le 12 février 2020, laquelle avait considéré que le titulaire d’une promesse de vente pouvait valablement solliciter une autorisation d’urbanisme, même si la validité de la promesse était contestée (CE, 12 février 2020, req. n° 424608).
Ces précisions sont les bienvenues car elles simplifient le timing pour les constructeurs, pour qui attendre une AG est souvent contre-productif dans l’élaboration d’un projet. Parallèlement, une autorisation d’urbanisme reste délivrée sous réserve du droit des tiers, de sorte que l’exécution de l’autorisation impliquera in fine que le bénéficiaire soit effectivement titré.