15 avril 2019

Demande indemnitaire pour recours abusif version loi Elan : première décision

L’essentiel:

D’application immédiate aux instances en cours, les nouvelles dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme, issues de la loi ELAN, semblent porter leurs fruits, la CAA de Versailles en ayant fait une application récemment. Si la demande a été rejetée, elle a fait l’objet d’un examen au fond, laissant espérer que cet article aura désormais un caractère effectif.

Dans un arrêt du 14 mars 2019 (CAA Versailles 14 mars 2019 SA Auchan France, req. n° 16VE02590), la cour administrative d’appel de Versailles a fait application de l’article L 600-7 du code de l’urbanisme dans sa version récemment modifiée par la loi ELAN.

En l’espèce, le maire de la commune de Villebon-sur-Yvette avait accordé, par un arrêté du 2 décembre 2014, un permis de construire à la société Costco France pour la construction d’une surface commerciale.

Dans le cadre du recours dirigé contre ce permis, le défendeur a sollicité l’indemnisation du préjudice subi du fait de celui-ci, en application des nouvelles dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme, issues de la loi ELAN.

La cour administrative d’appel de Versailles a alors procédé à l’examen de cette demande.

Il doit être rappelé que, conformément aux termes de l’avis du Conseil d’État du 18 juin 2014 (CE 18 juin 2014 Avis n° 376113) relatif à la loi ALUR, les dispositions nouvelles de l’article L 600-7 du code de l’urbanisme sont, en l’absence de dispositions contraires, d’application immédiate aux instances en cours.

Les nouveaux critères issus de la loi ELAN sont donc immédiatement invocables dans les litiges en cours.

En l’espèce, force est de constater que la cour a retenu un comportement abusif.

Pour autant, l’arrêt ne permet pas d’identifier explicitement les éléments l’ayant amené à retenir ce critère.

Il est toutefois possible de s’interroger sur le lien fait par le juge entre défaut d’intérêt à agir et comportement abusif.

En effet, dans un premier temps, la cour avait été amenée à statuer sur l’intérêt à agir du requérant, et l’avait écarté.

A cet égard, elle avait apprécié de manière très concrète les éléments invoqués par le demandeur pour établir son intérêt à agir, tels que les flux de circulation et les risques d’embouteillage.

Surtout, elle rappelle utilement une jurisprudence constante selon laquelle le seul intérêt commercial ne donne pas intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme tel qu’un permis de construire (CE 22 février 2002 Sté France Quick SA, req. n° 216088). Le litige opposait en effet deux enseignes commerciales.

La question qui se pose alors est de savoir si le défaut d’intérêt à agir se traduira systématiquement par un comportement abusif constitué, ou bien s’il s’agit d’un cas d’espèce puisqu’en l’occurrence, à l’évidence, seul un intérêt à agir commercial animait le requérant, lequel ne pouvait ignorer la jurisprudence constante en la matière.

D’autres décisions permettront de répondre à cette question.

Sur le préjudice, les juges d’appel retiennent qu’en l’espèce, la société Costco France ne justifiait pas d’un préjudice en relation directe et certaine avec le comportement abusif attribué à la SA Auchan France, de sorte que la demande indemnitaire est in fine rejetée.

En tout état de cause, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles est une première avancée qu’il convient de saluer puisque la cour a examiné chacun des deux critères.

En dehors de quelques rares exceptions liées à des faits très particuliers, le juge administratif avait toujours refusé d’examiner la question d’un éventuel préjudice né d’un recours abusif sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme.

Cette décision est encourageante pour les opérateurs qui subissent des retards coûteux du fait de recours, et il est probable que ces demandes se développent à l’avenir.

Toutefois, il conviendra de porter une attention particulière, dans la demande indemnitaire, à la démonstration du lien de causalité direct entre le comportement abusif du requérant et le préjudice subi.